FIDA : comprendre la réglementation européenne sur l’accès aux données financières

Article . Date de publication 15.10.2025 min . 👁 8 min

L’Europe franchit une nouvelle étape majeure dans la régulation des services financiers avec le règlement FIDA (Financial Data Access). Après le tremplin qu’a représenté la directive DSP2 pour l’Open Banking, FIDA ambitionne d’ouvrir davantage l’accès aux données financières des consommateurs, au bénéfice de l’innovation, de la transparence et de la compétitivité du secteur financier.

Le règlement FIDA, dont l’adoption définitive est attendue pour la fin d’année 2025, bouleverse les équilibres établis, il crée de nouveaux rôles et obligations pour les banques, mais aussi pour l’ensemble du secteur financier (fintechs, assurances, etc). Cette ouverture s’accompagne d’exigences, car le partage de ces données doit s’inscrire dans le respect de la vie privée. Il nécessite une sécurisation des flux et un consentement renforcé.

Dans cet article, nous décryptons les contours de ce règlement, ses obligations, ses impacts, ainsi que les bonnes pratiques de conformité à adopter. Un guide pensé pour les professionnels du secteur de la banque et de l’assurance, confrontés à la transformation réglementaire la plus structurante depuis DSP2.

Qu’est-ce que la réglementation FIDA et quel est son objectif ?

Le règlement FIDA, pour Financial Data Access, est un projet législatif de la Commission européenne présenté en 2023 dans le cadre du paquet Open Finance. Il vise à créer un cadre harmonisé pour le partage des données financières des consommateurs à travers l’Union européenne et à redonner à ces derniers un rôle central en leur permettant de contrôler l’accès à leurs données et d’en autoriser le partage avec les tiers de confiance.

Son objectif principal est d’étendre la logique d’ouverture des données introduite par la directive DSP2, au-delà des seuls comptes de paiement. Avec FIDA, l’ensemble des données financières pertinentes, comme les produits d’assurance, prêts, investissements, épargne, historique client, deviennent accessibles à des tiers autorisés, à condition que le client donne son consentement.

En résumé, FIDA :

  • élargit le champ de l’Open Banking à l’Open Finance ;
  • garantit aux consommateurs un contrôle accru sur leurs données ;
  • crée un marché européen de la donnée financière, encadré, sécurisé et interopérable.

À qui s’applique la réglementation FIDA ?

Le champ d’application de FIDA est large, il concerne principalement :

  • les banques, assureurs, établissements de crédit, gestionnaires d’actifs et distributeurs de produits financiers ;
  • les fintechs et startups exploitant les données financières pour proposer des services à valeur ajoutée (agrégation, conseil, scoring, etc.) ;
  • les acteurs assurantiels fournissant des produits vie et non-vie ;
  • et plus largement, tout utilisateur de données financières habilité à agir dans l’intérêt du client.

Le texte prévoit aussi la mise en place de “prestataires d'accès aux données financières” (Financial Information Service Providers – FISP), entités techniques permettant une interface standardisée et sécurisée entre institutions et tiers.

Quelles sont les obligations clés de FIDA ?

Partage des données financières : un nouveau paradigme

Le cœur de la réglementation FIDA repose sur l’obligation faite aux institutions financières de partager certaines données clients avec des tiers autorisés, à la demande explicite de ces derniers. Le périmètre couvert dépasse les comptes de paiement (limite de DSP2) pour inclure :

  • les comptes d’épargne ;
  • les prêts et crédits (hypothécaires, consommation) ;
  • les contrats d’assurance (hors ceux portant des données de santé) ;
  • les instruments financiers (portefeuilles, placements) ;
  • l’historique de transactions et les comportements financiers.

Le partage se fait via des interfaces techniques standardisées (API), permettant un accès harmonisé et sécurisé à ces données. Par exemple, les établissements doivent mettre en œuvre un tableau de bord centralisé permettant aux clients de visualiser les autorisations données, révoquer l’accès à tout moment, et consulter l’historique des accès par tiers.

Protection des données personnelles et garanties consommateurs

En contrepartie de cette ouverture, FIDA intègre des exigences fortes de protection de la vie privée, en articulation directe avec le RGPD comme :

  • le consentement explicite, granulaire et révocable est obligatoire ;
  • la transparence des données qui sont partagées, avec qui et pour quelle finalité ;
  • et enfin, des mesures de cybersécurité avancées, y compris le chiffrement des données, l’authentification forte, et le suivi des accès.

En complément, le texte prévoit également certaines garanties spécifiques, telles que le droit à la portabilité, les recours simplifiés en cas de litige, et l’interdiction de pratiques discriminatoires basées sur les données partagées.

Compensation financière et juste répartition de la valeur

Les institutions partageant leurs données (banques, assureurs) doivent recevoir une compensation financière équitable de la part des acteurs exploitant ces données. L’objectif est d’éviter une distorsion de concurrence et de répartir la valeur créée par l’Open Finance.

Cette compensation est encadrée par la réglementation pour éviter les abus tarifaires qui pourraient bloquer l’accès au marché.

Régulation, supervision et lutte contre les dérives

Les régulateurs nationaux et européens (comme l’ESMA, EBA, EIOPA) auront un rôle actif de :

  • supervision des schémas de partage de données ;
  • veille à la conformité technique et réglementaire ;
  • traitement des plaintes utilisateurs.

Des mécanismes de lutte contre la fraude sont également intégrés, incluant : la traçabilité des accès aux données, des sanctions en cas de non-respect du consentement, et des audits réguliers de conformité.

Quels sont les impacts concrets du FIDA ?

Une transformation pour les institutions financières

Les banques et assureurs vont devoir repenser leur stratégie de gestion des données, car le partage de celles-ci devient une obligation légale et non un choix commercial. Cela implique :

  • la mise en place de nouveaux systèmes IT (API, tableaux de bord, logs) ;
  • la formation des équipes conformité et juridique ;
  • une ouverture culturelle vis-à-vis de la collaboration avec des tiers.

Une opportunité pour les fintechs

Pour les nouveaux entrants, FIDA fait aussi office de tremplin avec :

  • l'accès facilité aux données clients pour créer des services innovants (coaching budgétaire, scoring alternatif, prévoyance dynamique…) ;
  • le développement de produits d’assurance ou de crédit personnalisés ;
  • l'exploitation de l’automatisation et de l’IA pour offrir une expérience utilisateur enrichie.

Des risques à maîtriser

La mise en place de FIDA s’accompagne aussi de nouveaux risques à prendre en compte comme :

  • l’exclusion financière : les personnes n’ayant pas accès au numérique ou refusant le partage peuvent être défavorisées ;
  • Risque cyber : plus de flux signifie aussi plus de vecteurs potentiels d’attaque ;
  • la perte de confiance si les garanties de protection ne sont pas perçues comme crédibles.

Comment se préparer à la réglementation FIDA ?

Auditer ses données financières disponibles 

Il faut, pour cela identifier quels types de données sont détenus, sous quel format, et pour quels types de produits. Cette cartographie représente la base du travail.

Mettre en place les interfaces techniques requises

Pour assurer un partage sécurisé et harmonisé des données, plusieurs actions clés sont requises :

  • développement ou intégration d’API standardisées (ex. RESTful, JSON) ;
  • respect des spécifications européennes à venir (interopérabilité, sécurité) ;
  • connexion à un registre européen d’acteurs autorisés.

Déployer un tableau de bord client

Le tableau de bord est obligatoire pour permettre au client de gérer ses autorisations d’accès. Il devra être clair, transparent, et accessible facilement.

Mettre à jour les politiques internes

Parallèlement aux aspects techniques, il est nécessaire d’adapter les politiques internes, telles que :

  • la politique de consentement ;
  • la documentation juridique (CGU, mentions légales) ;
  • les processus de vérification des partenaires tiers (vérification de leur statut autorisé).

Sensibiliser les équipes internes

Il est fortement recommandé de définir un plan de formation sur FIDA, ses impacts, ses risques et son articulation avec les autres réglementations (RGPD, DSP2, DORA, etc.) pour sensibiliser les équipes et favoriser leur engagement.

Se conformer à la réglementation est une étape, mais pour quand faut-il être prêt ?

Quelle date pour l’entrée en vigueur du règlement FIDA ?

Le règlement FIDA (Financial Data Access) a été proposé par la Commission européenne en juin 2023, dans le cadre du paquet législatif Open Finance visant à prolonger les principes de la directive DSP2 à l’ensemble des services financiers.

Fin 2024, le Parlement européen et le Conseil ont arrêté leurs positions respectives sur les propositions de la Commission. L’adoption définitive du règlement FIDA devrait survenir fin 2025 et son application devrait alors être progressive, afin de laisser le temps aux acteurs de se préparer. 

Au-delà des dates, ce règlement s’inscrit dans une vision bien plus large, qui vise à remodeler durablement le secteur financier européen.

Open Finance : quels enjeux à long terme ?

FIDA s’inscrit dans une vision stratégique : faire de l’Europe un leader de l’Open Finance, c’est-à-dire un système où les consommateurs contrôlent leurs données, et peuvent les communiquer facilement pour la souscription à de nouveaux services financiers.

Cette ambition apporte plusieurs bénéfices majeurs :

  1. bénéfices économiques et concurrentiels : stimuler l’innovation dans les services bancaires et assurantiels ;
  2. favoriser la concurrence non biaisée entre acteurs historiques et entrants ;
  3. créer un écosystème fondé sur la transparence et l’interopérabilité.

Si les bénéfices de la mise en place de FIDA ne sont pas à prouver, celle-ci devra cependant s’opérer en tenant compte de divers enjeux, notamment de confiance numérique.

Enjeux de confiance et de protection :

  • l’adhésion des citoyens dépendra de la qualité des garanties techniques et juridiques mises en place ;
  • l'évolution de la cybersécurité et des normes de protection pour suivre l’innovation.

Enjeux réglementaires :

  • l’articulation avec d’autres textes (DSP3, RGPD, DORA, AI Act) reste un chantier clé ;
  • la clarté, la cohérence et la lisibilité influenceront fortement l’adoption.

Le règlement FIDA représente donc une avancée majeure vers une finance plus ouverte, plus transparente, mais aussi plus exigeante.

Son ambition est claire, replacer le citoyen au cœur de la chaîne de valeur des données financières, tout en renforçant la compétitivité européenne.

Pour les acteurs bancaires, assurantiels et fintechs, il faut désormais anticiper, se préparer et s’adapter, car au-delà de la contrainte réglementaire se cachent de véritables leviers d’innovation et de transformation stratégique.